On finit toujours par trouver ce que l'on cherche ; libre.

J'ai mis du temps à la dénicher, cette plage. Elle porte bien son nom, me diriez-vous. En effet, je suis parti de bonne heure ce matin, aux aurores. Alors que je trottinais sur les sentiers, le soleil se levant dans mon dos, me poussant en avant et me donnant des ailes, je savais qu'inconsciemment, je cherchais un lieu, un endroit. Je voulais chercher, je voulais trouver. Je trottinais donc sur un chemin où mes sabots ne claquaient pas ; j'ai appris à me déplacer avec silence et légèreté. Une certaine grâce s'échappait de mon allure cadencée. Au moment où je vous parle, je suis sur un petit promontoire. Alors que j'avançais sans savoir ce que je cherchais, dès que j'ai vu l'océan, je l'ai su. C'est cette plage que je cherchais. Cet endroit là. Ne me demandez pas pourquoi. J'inspire l'air marin à fond. Quelques mouettes jacassent au-dessus de ma tête. Le vent se lève et retombe sans cesse. Il gonfle mes crins comme de vieilles voiles de nouveau aptes à prendre le large. Un sourire s'affichant sur mes lèvres, je descend du promontoire en faisant claque mes sabots. Mes crins s'effilochent, puis se rassemblent en une masse compacte. Après un petit saut pour atterrir sur les galets de la plage secrète. Je l'observe. Elle est calme. Son eau est à peine ridée ; comme s'il y avait une barrière contre le vent. En effet, mes crins retombent. Mes yeux gris perlés cherchent une quelconque explication mais se lassent et retombent sur les arbres qui entourent la rive. C'est vraiment un endroit spécial. Apaisant. Un sourire nouveau vient fleurir sur mes lèvres noires et je secoue mes crins pâles. Mes oreilles se dressent à l'affut d'un bruit. Les oiseaux se taisent. Comme s'ils voulaient, eux aussi, garder cet endroit secret. Mais j'ai l'impression que je ne suis pas le seul, ce matin-là, à l'avoir trouvé.

Il était un temps où je me souvenais galoper nombre de fois sur une plage de sable blanc, sous des cocotiers et un soleil rayonnant. Mais autrefois, ces plages était faciles d'accès et tout le monde les conaissais. Mais j'avais, honnêtement, beaucoup peiné à trouver celle-ci, qui était ma foi bien cachée ! Je sentis soudain une odeur masculine. Je fus légèrement déçue, contrairement à mon habitude. Je croyais que j'étais la seule à avoir découvert ce petit endroit inconnu mais apparement, un autre de mon espèce s'était révélé plus futé et plus rapide que moi. Je n'avais pas réellement envie, en ce début d'après-midi, de draguer tout ce qui bougeait. J'aspirais plutôt à une détente calme et tranquille sur la plage, dénuée de toute forme de vie quelle qu'elle soit. Mais là encore, il allait falloir partager et oublier ce que je voulais au détriment d'un autre. Je lâchais un petit soupir mais continuais tout de même à avancer, poussée par mon instinct grégaire, comme toujours. Bientôt, j'arrivai à portée de vue d'un superbe étalon blanc aux allures espagnoles. Il avait une encolure puissante, un poitrail large et musclé ainsi qu'une tête finement ciselée qui était parfaitement proportionnée à son corps. J'aurais désiré une touffe d'herbe pour masquer mes émotions et pour cacher mon visage mais il n'y avait que des galets et du sable.

Je secoue mes crins blancs. Le vent me vient de face ; je ne peux donc te sentir. Mes grands yeux cendrés sont rivés sur l'horizon, qui frôle l'océan de manière désinvolte. Mes oreilles jouent les girouettes, quand soudain, elles t'entendent. Après-tout, pas facile d'être discret sur des galets. Ca s'apprend. Et ça met du temps. Je me retourne alors, à la fois lentement mais d'un mouvement vif et harmonieux. Mes prunelles d'acier te découvrent alors. Une belle jument à la robe café. Tes crins sont moins longs que les miens, mais déjà bel et bien longs. Je te regarde un moment dans le silence de la matinée qui s'achèvera bientôt. Le soleil est dans mon dos, et dessine soigneusement les contours de ma silhouette déjà bien claire. On me croirait irréel. Enfin, je ne me vois pas, mais j'essaye d'imaginer. Mon ombre s'étend, longue et svelte, devant moi. M'incitant à avancer. Je remarque une certaine tendance timide chez toi. Je fais un hochement de tête, comme pour te saluer. Mais allons, cela ne serait pas qu'ainsi. Ce n'est pas comme cela qu'un Prince de Perse salue. Je m'avance de quelques pas, gracieux, de précieux mètres nous séparant toujours. Je fais alors une révérence basse et honorable. « Bonjour Princesse. » Je vous appelle toutes comme ça, ne te flatte donc pas trop vite. Mes yeux t'observent toujours. Un sourire empli de sagesse étire mes lèvres noires. Je me remet en position initiale. Beaucoup ici, je le découvrirais, ne connaissent pas les révérences. Moi, on me l'a apprise de force. C'est au moins une des choses que j'ai ramené de mon pays natal. Quelque chose qui, venant de cet enfer, me servira peut-être.

( Je vais parler de toi à la deuxième personne du singulier alors. Je suis pas habituée donc pardonne mon language hein. /zbaaf/ )
Je secouai la tête, chassant de ma vue les crins qui l'occultaient. Je t'examinais de plus près, je pouvais sentir ton odeur et ton regard posé sur moi. Je relevai les yeux, les fixant dans les tiens, d'une couleur douce et vaguement cendrée. « Bonjour, Princesse. » Je levai un sourcil étonné et suspect. D'ordinaire, c'était moi qui formulais ce genre de phrase, pas les mâles venant à ma rencontre. La chose à laquelle je n'avais jamais pensé était sans doute le fait qu'il puisse y avoir des semblables à moi en caractère mais d'un autre sexe. Je me serais réjouie de cette découverte mais j'étais lasse en ce jour-là. Etais-ce ton caractère ? Je n'avais pas réellement envie de jouer avec le feu aujourd'hui et n'aspirait qu'à une tranquillité bien méritée. Le comprendra-tu assez tôt ? J'en doute. Un soupçon d'orgueil me raviva malgré ma "flemme". Ce mot princesse ravivait en moi un passé glorieux et je frémis à ta voix grave et pourtant, qui avait dû faire chavirer bien des coeurs. Mais je feintais l'ignorance et sourit avec douceur. Je répondis d'un ton égal et sobre :
« Bonjour. Evanescence. »

( Y'a pas de problèmes, mais t'es pas obligée de me dire 'tu' hein ^^ )

Tu sembles m'étudier. Je sens tes prunelles d'une couleur plus claires que les miennes, nuageuses tandis que les miennes sont orageuses, me détailler. Moralement. Comme si tu te posais des questions sur moi. Sur ce que j'ai à l'intérieur. C'est rare. D'habitude, beaucoup ne regardent que ce qu'ils voient à l'extérieur. L'apparence. L'allure. Mais ton regard pénétrant semble aller au-delà de cela. Je t'observe aussi, ma sagesse se mêlant à une curiosité courtoise. Qui es-tu ? J'ai soudain envie de te connaître. Peut-être existe-t-il quelqu'un comme moi ? J'avoue n'en avoir jamais rencontré, mais j'ai toujours fait avec. Après-tout, on ne choisit pas. Tu sembles surprise et un peu perdue quand je te parle. Ce surnom te dérange-t-il ? Je l'éviterais si c'est le cas. Un sourire à la fois pacifiste et confiant sans en être prétentieux s'affiche sur mes lèvres quand tu me réponds.

" Enchanté Evanescence. C'est un joli nom, très joli. Quand j'étais petit, ma mère me disait souvent le nom des étoiles. Il y en avait une qui s'appelait comme ça. Je peux t'appeler Eva ? "

Le tutoiement vient souvent rapidement avec moi. Mes propos te paraîtront sûrement futiles, inutiles et ennuyeux. Mais après-tout, je n'en serais pas surpris. J'ai l'habitude, comme on dit. Mais je suppose aussi que tu veux mon nom. Mon nom, dont j'en suis fier, parce qu'il m'est cher. Parce qu'il est tout ce qu'il me reste de la Perse.

" Moi c'est Dastan. "

Ta voix sortit simplement, mouvant tes lèvres d'un mouvement délicat et harmonieux. Redescend sur terre, Evanescence ! Etais-ce moi qui parlait ainsi pour de simples paroles ? Hélas oui. Je m'étais toujours promit de rester différente des autres, toujours. Et voilà qu'à présent mes paroles se muaient de courtoisie et d'un brin de poésie ? Non, non, ce n'était pas la jument que j'étais vraiment. Je secouai encore la tête, mes crins voletant avec grâce. Je n'avais pas quitté ton regard. Une étoile ? Peut-être, je ne savais rien sur la provenance de mon prénom.
« Comme tu veux, cela ne me dérange pas. »
Le tutoiement ne m'étais pas familier après une si brève rencontre mais j'allais m'y faire et je ne me voyais pas non plus te vouvoyer, toi, si bel étalon à la robe étincelante. Je sourit brièvement, comme une enfant timide et détachais mon regard du tien pour le porter sur la mer qui venait en petites vagues douceureuses lécher le bord sableux de la plage. Je n'aimais guère rester inactive mais j'étais sans doute trop intimidée pour te proposer de marcher en ma compagnie.

Mes deux yeux gris ne cessent de t'observer. Je ne te juge pas, le jugement est quelque chose qui ne peut se faire qu'après un long moment. Je n'ai pas pour habitude de juger les autres, pourquoi le ferais-je avec toi ? Je te souris doucement aussi, secouant mes crins dans un mouvement princier.

- D'accord, ce sera Eva alors.

J'esquisse un sourire enchanté et profond. Ancien. Tout chez moi l'est. Jusqu'à mon regard. En y cherchant bien, tu pourras y trouver des souvenirs de ma région natale. Tu pourras y voir le sable des tempêtes y tournoyer, ou bien les serpents hostiles y cracher. Tu pourras voir ma vie et bien d'autres choses. Tout est accessible dans mes yeux, je ne cache rien. Mes prunelles ne sont pas des surveillantes, elles ne montent pas la garde. Tu es libre d'y trouver ce que tu veux. Quand tu détournes mon regard, je le détourne aussi. Après-tout, la plage est grande. Ses petits galets ne sont pas aussi agréables que le sable, mais qui suis-je pour critiquer une telle merveille ? Une plage cachée, un lieu retiré. Pour toi. Pour moi. Pour nous. Pour tout ceux qui l'ont déjà trouvé. Et ceux qui la trouveront. Cette plage secrète est un coffre fort ; elle renferme les trésors de la tranquillité.

- Viens, marchons un peu.

Je te propose d'une voix svelte et assurée. Tu es libre de refuser, mais je ne vois pas en toi le moindre soupçon de refus. A l'air, détendu, et surtout naturel, je commence à prendre le pas, mes foulées entièrement faites de grâce et de symbolisme. On dirait un Prince.

Je fus troublée par ta proposition. Tu semblais lire dans mes pensées comme dans un livre ouvert. Je plongeais mon regard à nouveau dans tes yeux clairs pour y chercher la trace d'une émotion, ce que tu désirais faire... Mais rien ne m'apparut. Sans doute n'étais-je pas vraiment douée pour voir ce genre de choses.

« Avec plaisir. »

Je m'élançais à tes côtés. J'avais cette sensation étrange d'être unique à tes yeux et pas uniquement une demoiselle de passage, un gibiet de potence ou une conquête éventuelle. Non, j'avais l'impression d'être traitée différement et j'avais envie de te connaître, de t'apprécier car cette sensation de solitude et d'égoïsme mêlé à de la joie était plus qu'agréable. Je me resaississait au dernier moment. Comment pouvais-je être idiote au point de tomber dans tes filets, de croire que j'étais unique à tes yeux ? Je voyais déjà, dès la fin de notre rencontre, une jument naïve qui croirait à son unicité, elle aussi. Je lâchai un soupir et m'adressai de nouveau à toi.
« Depuis combien de temps êtes-v... Je voulais dire, depuis combien de temps es-tu ici ? »